URBANISTE & DESIGNER
CONCEPTION PAR LE CLIMAT EN


Avons-nous définitivement perdu le bon sens ?



Illustration


J’entends souvent dire que la conception bioclimatique relèverait d’une forme de bon sens qu’avaient les constructeurs avant l’industrialisation et qui aurait été perdu. Leur bon sens faisait qu’ils orientaient la façade de leur maison au sud ou qu’ils savaient intuitivement se protéger des vents froids d’hiver.

J’ai un peu de mal avec cette idée, car c’est finalement assez compliqué de définir ce que serait ce « bon sens ». Il est manifeste que le bon sens a été bouleversé par le développement des énergies fossiles qui ont éliminé une multitude de contraintes (distance, travail physique, etc.).

Le bon sens s’est transformé avec l’évolution des techniques. Aujourd’hui, le bon sens fait que plus de 56 % des Français estiment qu’il est raisonnable de prendre sa voiture pour un trajet d’une distance inférieure à 2 kilomètres.

On pourrait multiplier les exemples qui montrent que le « bon sens » d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui qui pouvait exister il y a des dizaines d’années. Plutôt que de méditer sur le « bon sens perdu de nos anciens » (qu’on a tendance à idéaliser) je crois qu’il est plus important de comprendre que le bon sens n’est pas inné et qu’il doit être cultivé.

Quand les bâtisseurs ou bâtisseuses de constructions vernaculaires orientaient soigneusement leur construction en fonction de l’ensoleillement, il ne le faisait pas sans réfléchir. Ils le faisaient car ils avaient hérité d’une connaissance traditionnelle transmise et le bon sens leur permettait de faire des choix pragmatiques en fonction des contraintes d’un projet.

Cette capacité à résoudre pratiquement des problèmes en fonctions des contraintes initiales en mobilisant les expériences passées peut être une des définitions du « bon sens ». Le bon sens n’a donc rien d’inné et il est toujours à construire.

Je pense qu’un gros chantier est justement d’arriver à reconstituer un bon sens compatible avec les limites planétaires.



Image : Charpentiers sur la construction d’une maison en bauge à Archigny (Vienne)

Sources : A. Rapoport, P. Bihouix






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